Une Brakina bien tapée! Mots et expressions burkinabé


L’article s’est enrichi grâce à vos contributions! Merci Péroline !

C. va s’asseoir à côté de A. à la terrasse d’un maquis. Ils discutent.

– Hé! On dit quoi?

– Hé! Ca va! Ca fait fait deux jours, hein? Tu viens plus manger ici? Ils t’ont servi un mauvais poulet télévisé ou quoi?

– Oui, ma moto est gâtée, j’ai fait un accident à la Patte d’oie.

– Aiyyyye! Tu n’as pas été blessé, j’espère!

– Non, ça va. Et puis, j’ai fait réparer la moto : c’est propre.

– Oh la la! Meilleure santé alors! (à la serveuse) Mademoiselle, il faut amener deux Brakina bien tapées. Sap sap. (à A.) Il fait chaud!

– Oui, ça caille…

– Bon, alors, et les affaires, c’est comment?

– Ca va un peu! A cause de l’accident, j’ai dû prendre le taxi pour aller travailler.

– Ah, c’est pas bon, ça. Vraiment, je te souhaite de te remettre vite de tout ça. C’est déjà pas facile. Et ta femme?

– Elle va bien.

– Et tes enfants?

– Ils vont bien, Dieu merci!

– aaaah!

1. Petit lexique

Arachide : le trèfle dans les jeux des cartes (voir « tomate »)

Bien tapée : bien fraîche, s’utilise surtout pour les bières (Brakina, Sob.bra, Castel, …)

Bonne arrivée!

Ca caille! : il fait très très chaud!

Ca fait deux jours : parce que deux jours à attendre sous un baobab, c’est long. S’emploie quand on a pas vu quelqu’un depuis un temps qu’on estime trop long.

Ca vaut : s’emploie pour évaluer une distance, un poids, une durée… « D’ici à Ouaga? Ca vaut 3 km. »

Chose : remplace les mots, les noms qu’on oublie. « Mustapha est parti hier à ….. comment, chose, là! »

Chosiner : faire quelque chose

Deuxième bureau : la maîtresse

Doux : s’emploie pour sucré, ou pour qualifier des aliments appréciés.

Gâter : employé indistinctement pour les objets et les marchandises. Syn. cassé. « Mon vélo est gâté »

Go : jeune fille coquette, célibataire.

Goutter : pleuvoir légèrement.

Il faut : s’emploie pour tout, remplace souvent l’impératif.

Il y a la place : invitation à s’asseoir

Je demande : formule de politesse, remplace, en début de phrase, s’il vous plaît.

Je demande la route : traduit du mooré, lorsque votre visiteur sollicite votre accord pour partir.

Jetons : pièces de monnaie.

Maquis : resto

On dit quoi? : « comment ça va? »

Poulet télévisé : poulet à la broche (il y a aussi le poulet à l’ail, le poulet flambé, le poulet grillé, tous délicieux)

Poulet bicyclette : les poulets qu’on voit courir sur les bords des routes, et qui deviennent, la nuit tombée, des poulets télévisés.

Sap sap : vite

Tomate : le coeur dans les jeux de cartes (voir « arachide »)

Torcher : éclairer de sa torche. Donne souvent lieu à des situations cocasses, notamment quand on souhaite aller aux toilettes en pleine nuit, et qu’on se voit proposer « je te torches? ».

Quoi quoi quoi! : fam. Salut, se dit quand on rentre dans une cour ou chez quelqu’un, pour prévenir.

Vous êtes invités : se dit quand on mange devant quelqu’un. A ne pas toujours prendre au pied de la lette, mais répondre poliment « merci, bon appétit! »

S’étaler : s’allonger.

Petit pompier : l’amant

2. L’emploi des articles

Dans le français populaire du Burkina Faso, on n’emploie pas les articles indéfinis de, de la, du, ni même les démonstratifs. Il est remplacé par l’article défini équivalent.

Exemple : « je vais acheter le pain », « il faut regarder les pagnes »

La langue acquiert une dimension très concrète, ancrée. On ne va acheter « n’importe quel pain » mais LE pain (sous entendu qu’on va manger, ou qu’on va nous servir).

Parfois en revanche on entend des formules « de + verbe à l’infinitif? » qui servent à poser une question sur l’intention de l’interlocuteur.

Un petit exemple à la cafétaria de l’établissement où je travaille. La jeune fille qui sert veut me rappeler que je dois régler aussi le pain à la viande que j’ai pris hier. Au moment où je règle le jus de fruit que je viens d’acheter :

« D’ajouter ce que tu as acheté hier? »

3. Les verbes

Les verbes peuvent se construire à partir des substantifs : « enceinter », par exemple pour mettre enceinte, « chosiner », faire quelque chose, « torcher », éclairer de sa torche.

19 réflexions sur “Une Brakina bien tapée! Mots et expressions burkinabé

  1. ah oui, pas evident ^^ je suis passe un peu a cote du dialogue !

    donc la j’ai des jetons pour allez au maquis et je demande a mon premier bureau d’y aller avec moi manger le poulet !

  2. maquiser : fréquenter les maquis! Dans certains maquis, en plus de manger du poulet flambé, et de boire de la brakina, on peut danser « coupé-décalé », une musique bien rythmé venant de Côte d’Ivoire.

  3. Vais-je faire aussi bien que Piotr ? A mon tour de me lancer dans l’inconnu de ce langage !

     »
    – Quoi Quoi Quoi me dit mon petit pompier. Cela fait un baobab que je ne t’ai pas vue ! On dit quoi ?
    – Ca va mais mon four est gâté ! Sam Sam, je demande, je demande la route pour le maquis ! Comme ca ne caille pas du tout du tout, ca vaut 4 stations de métro. N’oublie pas les jetons pour manger un poulet télévisé …. »

    Bon, je pense que tout cela est PERFECTIBLE, mais déjà pas si mal pour une parisienne !

    Marjorie, à lire votre article d’hier, soyez prudente car ça a l’air de cailler au Burkina ….
    Au Honduras, le sac que je portais s’est pris une balle tirée par la police qui avait du boire un certain nombre de Brakinas … puisqu’elle visait un cambrioleur échappé du pick up policier … Heureusement qu’ils tirent en l’air !

    Bozorgmehr

  4. Bonjour!
    @ Piotr : je m’aperçois que mon dico n’est toujours pas complet!… Je vais l’enrichir. Avec les couvre-feu, c’est pas le temps qui va me manquer.
    @ Bozorgmher : bien essayé! Attention « sap sap » et non « sam sam », « ça fait deux jours » mais sans le baobab 😉
    Au Honduras, vous l’avez échappé belle!!

  5. Super intéressant!
    Tant de variations d’une même langue! Je trouve que les pays africains francophones apportent un grande richesse à la langue française!

    Quand j’habitais en France (je suis Québécoise) on me disait parfois « laisse béton », et je n’avais pas compris que c’était du verlan. Je comprenais le sens, mais dans ma tête je pensais que ça s’expliquait par le fait de laisser tomber quelque chose par terre donc sur le béton. Un peu comme laisser une idée sur la glace mais pour vous c’était le béton. Heuresement j’ai rapidement appris le verlan, ce qui m’a évitée bien des mots de têtes!

    • Oui, et le français suisse est pas mal non plus : « cornet » pour sac plastique, « contour » pour virage… Ici, pour « laisse béton » ou le savoureux « laisser une idée sur la glace » ce sera surtout « il faut laisser ». Beaucoup de verbes s’emploient de façon intransitive. J’adore ainsi voyager dans ma langue!

  6. Je ne sais plus si tu avais déjà parler des noms qui deviennent des verbes : Chosiner (faire quelque chose), Torcher (éclairer de sa torche), Enceinter (mettre une go en grossesse!)
    Le langage courant est en effet très imaginer, il me manque toujours un bic pour prendre des notes lors des conversations!

    Par contre le « quoiquoiquoi » je dirai que c’est plus pour annoncer ton arrivée dans une cour, que pour saluer.
    J’espère que tu suis bien les messages du consulat!! Ici c’est très calme! on ne se croirait pas dans le meme pays!
    Attention à toi!

  7. ah magnifique,
    moi je viens ajouter ma contribution au lexique, (appris hier,ouais je triche)
    et donc je vous lance un vieux bonjour!(il est 17h chez moi)
    et demain matin ce sera un jeune bonjour!
    ah j’adore la langue africaine !

    • Bonjour Ségolène, je n’ai jamais encore entendu de « jeune bonjour » au Burkina! c’est d’où?
      Je vais re-rédiger l’article en prenant en compte toutes les remarques et ajouts!
      Un grand merci pour ta contribution!

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